mercredi 27 février 2013

De la Bergère...

Il y a des fois je me demande pourquoi j'ai fais trois ans de formation à 1500 euros l'année (je suis tombé dans l'école la moins chère de France en plus...).

Bilan de ma journée? Nul, néant, nada... 

Voilà trois jours que j'écris ce blog et pas un jour où je n'ai fait mon métier. 
Aujourd'hui, c'était la réunion de direction. Les GO éducateurs, ont été gentiment invité à mener les troupes dans les ateliers de l'autre coté de la cours et de tenir les bêtes usagers sages et sans bruit pour ne pas déranger ces gentils directeurs qui travaillent dur.

Donc nous avions installés des tables dans les ateliers de travail. Table autour desquels les usagers se sont assis et ont attendu que quelque chose se passe... Les ateliers de travail, étant occupés par des tables pas d'espace pour travailler, les outils pédagogiques étant dans ma salle, pas moyen de travailler. 

Nous voilà trois collègues, 15 résidents, coincés autour de ces tables à attendre. Alors on a attendu....

Quand midi est arrivé, on a mangé les Mcdo offerts par l'établissemnt puisque la salle de restauration était occupé par la direction. Mon chef est arrivé pour demander aux résidents à quel point c'était sympa. J'ai juste souligné que manger des Mcdo dans un atelier de travail sur des tables crades, ce n'est pas forcément ce que je donnerais comme définition du sympa.... Comprenez pourquoi je ne serais jamais dans ses petits papiers...

L'après-midi est arrivé, nous avons pliés les tables, on a passé un coup de balais, pris des photo dans l'objectif de faire un dictionnaire à image (avec mon Iphone parce qu'on réclame un appareil potable depuis 2 ans, mais comme il faut que les éducateurs fassent eux-même trois devis, c'est compliqué...).

Donc à 14h50 tout était plié, il a fallu tué le temps jusqu'à 16h. Et tué le temps avec rien c'est long...

Nous avons discuté, rit... Puis, c'était l'anniversaire de Sarah....

Arthur, son amoureux lui a offert un parfum bon marché. Et Sarah était tout émouvu....

"L'Educ! Arthur, il me fait battre mon coeur..."

Et par cette toute petite confidence, Sarah a donné un peu de sens à ma journée...


mardi 26 février 2013

Adaptabilité Quand tu nous tiens…

Ce matin, je suis arrivé dans une salle de travail qui était vide. Pas de table, pas de chaise, et un ordinateur qui n'avait pas de souris. Oui, ce matin mon atelier été vidé pour cause de comité de direction, qui aura lieu demain.

Bien sûr, on me demande de m'adapter. Demandez à un maçon de s'adapter sans brique et sans ciment.

Évidemment la colère s'installe en moi. Mais le chef n'est pas là. Le chef est en retard. Le chef n'a pas prévenu. Les résidents me questionnent:
- On fait quoi l'Educ aujourd'hui ?
-Je ne sais pas Paulette, aujourd'hui, on n'a pas de salle. Pas d'ordi. Je ne sais pas…

De grosses larmes me montent aux yeux je m'isole pour ne pas qu'ils me voient. J'essuis mes larmes, devant tant d'ingratitude envers ces personnes déjà en difficulté. Une part de moi continue de penser que ce n'est que de l'incompétence.
Je sors les jeux que ma collègue utilisent pour leur faire comprendre les règles routières, les règles de vie, les règles de jeu.
Mais je tiens bon. Je ne travaillerais pas aujourd'hui, puisqu'on ne m'en donne pas les moyens.

10 minutes plus tard le chef fait irruption dans ma salle, avec une souris que j'ai déjà testé sur  l'ordinateur. Je sais qu'elle n'a pas de port USB, donc par conséquent qu'elle ne peut pas aller sur cet  ordinateur. Mais je la laisse Galerer.

Il revient vers moi avec sa souris inadaptée pour me parler. Je ne bouge pas d'un pouce et continue mon jeu avec les résidents.

« L'Educ, s'il n'y a pas de souris, c'est que je lai donnée à la secrétaire qui en avait  besoin. Et si tu n'as pas de table, c'est par ce que il est y a les la direction qui vient demain. Il y'a des priorités. »

Je lève enfin les yeux vers lui et je lui répond : « Ma priorité à moi c'est qu'ils travaillent. Mais visiblement on n'a pas les mêmes priorités. »


Je vais passer ma journée à faire des jeux, à les occuper, pendant qu'on fera une belle structure pour les directeurs. Aujourd'hui, on a bien nettoyé la vitrine en n'oubliant juste de changer le contenu des marchandises à l'intérieur.

Demain, nous serons 25 dans deux salles, à s'occuper, à manger, à faire notre possible pour ne pas les déranger.

Demain, je serai bergères.





lundi 25 février 2013

mi-figue, mi-raison....

Je n'aime pas le lundi. 

D'abord parce que je dois nettoyer la cuisine et que je ne suis pas ce qu'on appelle une as de la serpillère. Et pour ma collègue, pour des raisons d'hygiène, tout doit être nickel. Du coup je me mets la pression mais je sais pertinemment que même au mieux ça n'ira pas.

Par contre cette semaine, je ne remplace personne ce qui fait que je peux mener à bien mes projets. Ça parait dingue mais comme je remplace sans cesse mes collègues qui sont en vacances, je n'ai jamais de temps pour faire ce pourquoi je suis embauchée à la base. Le mois dernier par exemple je n'ai été que neuf demi-journée sur mon groupe. Soit 21 heures, même pas une semaine complète....

Du coup ce matin je me suis fais plaisirs. Mon projet c'est de monter un journal, et de les faire réfléchir sur ce qu'est le travail. Puisque c'est le projet d'établissement autant qu'il comprenne ce que c'est!!!! Et cette semaine c'est semaine pleine!!!! Sauf que... Lundi c'est cuisine, mercredi matin je suis en réunion, jeudi il y a réunion d'équipe et vendredi je suis en cuisine...

Puis, même dans mon atelier il y a toujours des commandes... Et ce matin la direction demandait quelle utilisation faisaient les résidents d'internet...

Chez nous internet, de toute façon ils ne peuvent l'utiliser sans nous. Des codes, des interdictions... Il y a tout un protocole et c'est plus surveillé que la maison blanche le jour de l'investiture d'Obama. Alors j'ai pris le problème autrement: Comment utilisent-ils internet chez eux? 

On a fait un sondage, on est passé auprès de chacun, ils ont posé les questions, récolter les réponses. Et la révélation est simple: internet ça demande de savoir écrire, alors seuls, ils n'ont pas trop l'occasion de s'en servir... Parfois, un frère, une soeur, vient aider mais on est tous pareil: à la maison, les parents ont aussi envie d'avoir du temps pour eux... Alors quelques uns prennent le temps d'aider ou d'accompagner les enfants. Mais certains ne savent même pas s'en servir et ça ne les intéresse pas.

Du coup on en revient à l'éternel compte rendu: le seul endroit où ils peuvent être comme tout le monde et apprendre à l'être c'est au foyer. Et on leur interdit puisqu'ils doivent travailler pour s’intégrer... Et moi j'ai encore l'impression de remplir des passoire d'eau...

Voilà, je sais que parfois quelques grains de riz se coincent dans la passoire et que l'eau passe moins bien. Je vois bien que les parents résistent et que même les résidents commencent à râler.... Je vois bien, que de parler d'internet ce matin, c'était aussi parler d'eux, de leur façon de vivre, de dire ce qu'ils aimaient ou pas... Et que ça se sont des armes pour aller à l'essentiel. Mais encore faudrait-il qu'on me donne du temps pour aller à l'essentiel.... Pour faire mon travail comme on me l'a demandé... Et comme je l'envisage....

Parce qu'internet c'est aussi s'ouvrir au monde

vendredi 22 février 2013

Comment tout à commencer

Je suis éducatrice. C'est écrit dans le titre.

Je pourrais être n'importe lequel. Parce que si j'ouvre ce blog c'est parce que je crois que ce secteur est en crise.

Je travaille dans une grosse association qui a pignon sur rue. Une association créée par des parents pour leurs enfants handicapés.  Si vous allez sur leur site, vous verrez comme on s’occupe bien de ces petits. Les remettre dans le monde du travail dit "normal", les intégrer au monde, à la société... C'est tout ça qui m'a attiré il y a cinq ans. Je trouvais la démarche fabuleuse.

Et puis j'ai déchanté.

Je travail dans un accueil de jours avec une équipe formidable. Nous sommes 7. 6 éducateurs, une secrétaire. On s'entraide, se parle, on se soutient aussi, on rit beaucoup et on s'engueule parfois. Mais je crois qu'on s'apprécie tous.

La nouvelle direction générale, au point de vue nationale a décidé qu'il fallait mettre au travail les personnes, et tenter de les intégrer dans un milieu normal. Mais voilà, nous accueillons des personnes qui ne parlent pas, sont autistes, parfois ont des difficultés pour marcher ou se concentrer. Des gens qui ne sont pas en mesure de travailler ni dans le milieu normal ni dans le milieu protégé.

Mais la direction a dit que.

Donc comme le travail est facteur d’intégration (pas l'argent messieurs dames,  pas l'argent! Le monde du bénévolat existe donc on peut travailler dans ce monde sans être payer...) , on va donc les mettre au boulot. Pour pas rentrer dans de trop gros paradoxes on va enlever deux attributs à ce travail: la rentabilité, et la paye. Comme ça, on pourra pas dire que c'est vraiment du travail, on pourra dire qu'on est dans une "notion de travail".

Mais, comme chaque entrepreneur ou chaque particulier qui vient confier du travail au foyer attend quand même sa commande à l'heure, on fait venir des gens qui sont en ESAT (des personnes aptes à travailler, elles, d'un autre établissement) qui vont justifier ce travail fait à l’intérieur du foyer. On résume: on travaille, on est rentable, on rend à l'heure,  on vérifie que le travail soit propre, et on fait croire que TOUT le travail a été fait par l'ESAT sinon on rentre dans une obligation de rendement et de paye qui ne correspond plus au projet de travail d'un foyer de vie.

Vous suivez l'embrouille???

Bref. Nous voilà au service d'une offre et d'une demande alors que la commande de départ était très bien.

Hier j'ai reçu la maman d'Anne, jeune autiste qui au fur à mesure du temps n'aura sans doute plus sa place à l’intérieur de l'établissement. J'ai pris mon courage à demain et j'ai essayé de lui faire comprendre ce qu'il se passait dans l'établissement. Immédiatement démentie par ma chef, je ne me suis pas dégonflée, soutenant qu'on ne voulais pas la mettre à la porte, j'ai essayé de l'inquiéter un peu.

Je sais qu'elle a eu un doute. Elle a enchainé sur le fait qu'il n'y avait plus d'écoute au sein de la boite, que la direction parlait chiffre et rendement,  ce qui les inquiétait car on ne parlait plus du tout des personnes, inscrites et accueillies au seins des établissements. 

Je lui ai conseillé d'écrire à la direction, de faire signer par tous les parents qui sont en accord avec cela.

Cette idée de blog me trottait depuis un moment dans la tête. Mais la voix de la maman de Anne m'a réveillée. Il fallait qu'on en parle. Que cette situation ne pouvait plus rester comme ça.  365 jours me semblent suffisant pour faire un bilan. Savoir si j'ai encore la force de me battre ou pas. Et savoir si je vais arriver à vous toucher avec mes histoires et mes convictions ou pas....

« Les 5 sens des handicapés sont touchés mais c’est un 6e qui les délivre ; bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce 6e sens qui apparaît, c’est simplement l’envie de vivre. »