vendredi 22 février 2013

Comment tout à commencer

Je suis éducatrice. C'est écrit dans le titre.

Je pourrais être n'importe lequel. Parce que si j'ouvre ce blog c'est parce que je crois que ce secteur est en crise.

Je travaille dans une grosse association qui a pignon sur rue. Une association créée par des parents pour leurs enfants handicapés.  Si vous allez sur leur site, vous verrez comme on s’occupe bien de ces petits. Les remettre dans le monde du travail dit "normal", les intégrer au monde, à la société... C'est tout ça qui m'a attiré il y a cinq ans. Je trouvais la démarche fabuleuse.

Et puis j'ai déchanté.

Je travail dans un accueil de jours avec une équipe formidable. Nous sommes 7. 6 éducateurs, une secrétaire. On s'entraide, se parle, on se soutient aussi, on rit beaucoup et on s'engueule parfois. Mais je crois qu'on s'apprécie tous.

La nouvelle direction générale, au point de vue nationale a décidé qu'il fallait mettre au travail les personnes, et tenter de les intégrer dans un milieu normal. Mais voilà, nous accueillons des personnes qui ne parlent pas, sont autistes, parfois ont des difficultés pour marcher ou se concentrer. Des gens qui ne sont pas en mesure de travailler ni dans le milieu normal ni dans le milieu protégé.

Mais la direction a dit que.

Donc comme le travail est facteur d’intégration (pas l'argent messieurs dames,  pas l'argent! Le monde du bénévolat existe donc on peut travailler dans ce monde sans être payer...) , on va donc les mettre au boulot. Pour pas rentrer dans de trop gros paradoxes on va enlever deux attributs à ce travail: la rentabilité, et la paye. Comme ça, on pourra pas dire que c'est vraiment du travail, on pourra dire qu'on est dans une "notion de travail".

Mais, comme chaque entrepreneur ou chaque particulier qui vient confier du travail au foyer attend quand même sa commande à l'heure, on fait venir des gens qui sont en ESAT (des personnes aptes à travailler, elles, d'un autre établissement) qui vont justifier ce travail fait à l’intérieur du foyer. On résume: on travaille, on est rentable, on rend à l'heure,  on vérifie que le travail soit propre, et on fait croire que TOUT le travail a été fait par l'ESAT sinon on rentre dans une obligation de rendement et de paye qui ne correspond plus au projet de travail d'un foyer de vie.

Vous suivez l'embrouille???

Bref. Nous voilà au service d'une offre et d'une demande alors que la commande de départ était très bien.

Hier j'ai reçu la maman d'Anne, jeune autiste qui au fur à mesure du temps n'aura sans doute plus sa place à l’intérieur de l'établissement. J'ai pris mon courage à demain et j'ai essayé de lui faire comprendre ce qu'il se passait dans l'établissement. Immédiatement démentie par ma chef, je ne me suis pas dégonflée, soutenant qu'on ne voulais pas la mettre à la porte, j'ai essayé de l'inquiéter un peu.

Je sais qu'elle a eu un doute. Elle a enchainé sur le fait qu'il n'y avait plus d'écoute au sein de la boite, que la direction parlait chiffre et rendement,  ce qui les inquiétait car on ne parlait plus du tout des personnes, inscrites et accueillies au seins des établissements. 

Je lui ai conseillé d'écrire à la direction, de faire signer par tous les parents qui sont en accord avec cela.

Cette idée de blog me trottait depuis un moment dans la tête. Mais la voix de la maman de Anne m'a réveillée. Il fallait qu'on en parle. Que cette situation ne pouvait plus rester comme ça.  365 jours me semblent suffisant pour faire un bilan. Savoir si j'ai encore la force de me battre ou pas. Et savoir si je vais arriver à vous toucher avec mes histoires et mes convictions ou pas....

« Les 5 sens des handicapés sont touchés mais c’est un 6e qui les délivre ; bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce 6e sens qui apparaît, c’est simplement l’envie de vivre. »


2 commentaires:

  1. De nos jours, tout doit être géré comme une usine. Les patrons pensent argent avant de penser humain, même dans le social et la santé. C'est à se taper la tête contre les murs.

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    1. C'est l'eternel problème... M^me si on a besoin de l'argent pour avancer le problème étant qu'on oublie totalement les usagers...

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