mercredi 6 mars 2013

De l'intimité...

 7eme jour sans être sur mon atelier.

La vie d'handicapé n'est pas simple tous les jours, surtout sur le plan des relations sociales.

Soyons claire. Si je prends a situations des usagers de mon établissement. Ils sont dans leurs familles toute l'année. Il se lève le matin à la maison, le transport passe, les amène. Avec un peu de chance il y a une ou deux personnes d'un autre établissement, ils sont déposés au foyer, y travaillent toute la journée, puis à 17h00, le transport repasse, les récupère, ils rentrent chez eux. 

Aucun ne voit un autre à l’extérieur. 

Au centre, les portes donnant sur l'extérieure sont fermées à clef. Ils ne sortent qu'avec nous, ou pour aller chercher le pain ou faire une petite course. 

Paulette, par exemple vit avec son papa de 83 ans. Son papa, malade ne peut pas sortir. Pas de voiture, il faut attendre que les frères et soeurs qui vivent en province viennent pour pouvoir sortir... Les volets d'ailleurs sont sans cesse fermés car il n'a plus la force de les ouvrir. Une infirmière passe 3 fois par semaine mais c'est tout. Le simple fait de venir au centre est une respiration, une vue sur le monde. Paulette me rend souvent triste.

Je suis toujours septique devant ce paradoxe: cette enfermement qui est leur ouverture sur le monde.

Depuis que je suis arrivée, j'ai tout fait pour leur offrir des temps à eux, partageant mon enthousiasme et mes désirs professionnels, l'équipe qui m'a suivit dans mes ambitions. D'abord, je me suis battu pendant quatre ans pour trouver des professionnel qui acceptent de venir parler de l'amour, d'amitié,  de la vie sexuelle avec eux. Se mettre à leur mesure pour répondre à leurs questions. Nous avons trouvé une infirmière et un médecin, très pédagogues qui font le déplacement deux fois dans l'année pour nous rencontrer.

Et puis, j'ai parlé longuement avec chaque famille, sur l'importance de les laisser ne rien raconter. Oui, c'est le seul endroit où ils ont une intimité, un lieu à eux, alors ils on le droit d'avoir leur jardin secret. Et leur enseigner, à eux, qu'ils on ce droit de garder des choses pour eux... Et j'ai été ému le jour où la maman de Simon m'a dit "Je l'ai travaillé au corps pour savoir... Mais il m'a dit -Maman! C'est ma vie, laisse moi tranquille!-"

Et puis, nouvelle direction -directive-, nouvelle direction -de sens-, on nous demande d'être avec eux tout le temps: pendant les temps de réunion mais aussi pendant les temps de pause. Toi, l'éduc, tu vas te mettre au milieu de la salle de repos, à faire un jeu, ou à jouer à l'ordinateur avec l'un ou l'autre pour "gerer le groupe, qu'il n'y ait plus de dispute".

D'abord dans cet enfermement, ce lieu où il voit sans cesse les mêmes têtes, les mêmes façons de faire, les disputes moi perso je trouve ça plutôt sein. J'adore mes collègues mais rares sont les réunions où on ne se prend pas le choux sur tel orientation ou tel analyse. Passionnés, nous débattons sur ce qui est le mieux pour Kader ou Marie,... La tension ressort et tant mieux. Pourquoi leur éviter à eux de ressortir cette tension qui est déterminante pour leur relation sociale. Ruppert Barnes disait

« On ne se dispute qu'avec les gens qu'on aime, les autres on les ignore ou on leur fait la guerre. »

 Pourquoi pour eux, ce serait différent?

 Et puis, il y a leur amitié, leurs amours qu'ils ne vivent que là.  Ces intimités qu'ils ne peuvent échanger chaque jours qu'entre 13h et 14h...  Alors à quoi je vais servir moi au milieu de ce groupe qui se cherche, se trouve, se découvre, s'aime parfois, échange des choses qu'ils ne veulent pas échanger avec nous. 

 Je m'imagine moi, au travail, à chaque fois que je veux échanger avec un collègue, mon chef, à coté de moi, écoutant, ou pouvant entendre ce que je confis... Je crois que j'exploserais, que je deviendrais folle.

 Il me semble que cette demande de la direction est d'une violence folle. Le peu de liberté qu'on leur a laissé, on leur retire encore. Que va t-il leur rester???

A l'heure où on envisage, où on parle de mettre des travailleurs du sexe au service des personnes handicapés, on supprime la  possibilité qu'ils puissent déjà connaitre l'amour, l'amitié, le sentiment voire la sexualité avec celui qu'on aime...

 Un jour j'ai appris que le terme éducateur venait d'educaré qui voulait dire "aller vers l'exterieur"... Et petit à petit, je regarde ces portes fermés à clés, ces sites internet interdit, ces sorties qu'on ne fait plus parce qu'il faut leur donner une notion de travail qui vient à eux. Et je me dis, qu'on n'est plus des éducateurs qui les accompagnons dans la cité. Mais qu'est-ce qu'on est au juste?

 

Voilà, je viens de passer 15 minutes à chercher une photos d'illustration... "amour chez les trisomiques', "intimité chez les personnes déficientes intellectuelles"... On vous donne au choix des photos de travailleuses sexuelles, ou bien des jolis enfants trisomiques (bien blond tant qu'à faire avec de jolies joues bien roses)... En même temps si en tant que travailleur on n'est pas capables de le respecter dans nos établissements, comment le faire comprendre au monde qui l'entoure... J'ai honte.

 

 

 

 

 

  



1 commentaire:

  1. Arf... ( désolée pour ce commentaire inutile...mais qui en dit long)

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